Voici quelques extraits du journal que papa a tenu pendant quelques années. Il y décrit les moments difficiles qu'il a vécu dès que les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer sont apparus chez maman. Pendant presque 30 ans, ils vécurent à Vincennes (Val de Marne).

Papa a eu la gentillesse de me faire partager ses écrits, je les publie aujourd’hui avec pudeur, en omettant volontairement certains passages. Il faudrait du reste plus d'une page web pour décrire cet accompagnement qui a duré plus de 3 ans.

Ce journal est un témoignage de cette maladie si terrible à vivre au quotidien. Papa peut être fier de s'être investi autant pour son épouse. Combien de fois s'est-il levé en pleine nuit parce que maman exigeait de voir ses affaires ? (vêtements, cosmétiques etc...) Combien de fois l'a-t-il habillée, déshabillée, lavée ? Combien de fois s'est-il hâté de revenir de courses par peur de la laisser seule ? Papa a réalisé ici le plus beau cadeau que l'on peut faire à sa femme qui est souffrante : vivre pour deux. Quand on apprend que sa moitié est perdue, l'accompagner en permanence dans ses moindres mouvements est héroïque. Il espérait, comme nous, maintenir à domicile maman le plus longtemps possible, mais la maladie à eu raison de nos espoirs.

Quant à moi, je ne peux pas décrire en quelques lignes ces années d'angoisses et de souffrances. Ses curieux malaises où elle restait figée pendant quelques secondes les yeux ouverts, le fait de lui répondre sans s'énerver aux mêmes questions une vingtaine de fois dans la même journée, passer derrière elle sans rien lui dire alors qu'elle laissait les lumières allumées dans chaque pièce de l'appartement, le fait de retrouver des objets à des endroits où ils n'avaient pas leur place, tout ceci a fini par représenter des événements habituels. Mais il est certain que deux souvenirs ne pourront jamais me quitter. Notamment, le jour où j'ai dû lui barrer le chemin alors qu'elle s'engageait sur le balcon pour sortir dehors, non qu'elle voulait en finir avec la vie mais parce qu'elle était persuadée qu'il s'agissait de la porte de sortie. Également, le 21 mai 1998, jour où nous avons placés maman, je suis resté seul avec elle, et jamais je n'ai ressenti autant de chagrin de mon existence, car pendant une dizaine de minutes, elle a pris conscience de l'endroit où elle se trouvait, puis elle m'a jurée que je le regretterai toute ma vie de l'avoir laissé ainsi, j'ai essayé de la réconforter mais l'émotion me serrait la gorge, je ne savais plus quoi dire. Je garde ce souvenir affreux de maman seule, regardant droit devant elle, ses mains posées sur son vanity case. Moi et papa étions isolés derrière une vitre, nous n'osions même pas la regarder, alors nous sommes partis sans lui dire au revoir, car c'était trop dur, nous sommes partis avant de nous effondrer.

Pour nous, qui étions soudés comme les doigts de la main, cette maladie ( qui, nous le pensions, 'n'arrive qu'aux autres' ), est arrivée lentement, sournoisement, maman avait déjà très mal vécu en 1985 un cancer du sein, accompagné d'une chimiothérapie difficile. Elle qui ne tombait jamais malade, qui ne souffrait jamais d'une rage de dent, qui était toujours de bonne humeur, qui riait souvent aux éclats, elle qui ne buvait pas, ne fumait pas, a été frappée injustement de ce mal. Après l’isolement, la tristesse, la colère, nous devons faire face aujourd'hui à la réalité. Un simple sourire qu’elle peut afficher ou quelques paroles cohérentes émises représentent beaucoup pour nous. Nous connaissons l’évolution et l’issue de cette maladie. Aujourd’hui, nous faisons vivre à maman des moments de joie lors de nos visites à l’hôpital, notamment en tentant pendant quelques heures de recréer le noyau familial qui a été si brutalement brisé.

Stéphane Taccola


1994 - 1996 - 1997 - 1998


1994

Lundi 26 décembre 1994

Gros malaise avec chute, appel des pompiers et transport à l’Hôpital. Aux urgences, ils se rendent compte d'un problème de mémoire (nous venons de prendre conscience de l'état de Mireille). Nombre de jours à l’hôpital : 19, avec des sorties le samedi et le dimanche.


1996

1996 sera l'année des examens à l'hôpital, et le diagnostic de la maladie.

Jeudi 22 novembre 1996

Mireille a mis son soutien gorge à l'envers. Elle veux sortir en ville, ne trouve pas le RDC, elle revient, et sonne à la porte, je lui fais prendre les escaliers, elle s'engage dans le couloir, je lui indique la porte pour descendre.

Lundi 2 décembre 1996

Je rentre du bois, Mireille a mis de l’éther à la place d'eau oxygénée sur ses cheveux. Elle ne se rappelle plus ou elle met NOLVADEX (son traitement à prendre à vie suite à son cancer), et surtout si elle a pris ses médicaments.


1997

Mardi 20 février 1997

Elle a l'impression de ne pas être chez elle et de se trouver dans une maison en location.

Vendredi 28 février 1997

N'arrive pas à signer son nom sur la feuille de déclaration d'impôts. Nous sommes allés faire les courses chez Franprix, elle a eu un petit malaise dans le magasin, nous n'avons rien acheté.

Samedi 1 mars 1997

Après l'appel de Stéphane à 17 h 10, elle sort promener notre caniche Chloé, une heure après, elle n'est toujours pas là, je m'inquiète et sors pour aller la chercher, elle arrive à ce moment là, elle ne trouvait plus son chemin, elle a demandé sa route à deux personnes.

Dimanche 9 mars 1997

Elle a eu deux malaises dans l'après-midi, le second est assez curieux, elle ne tenait pas sur ses jambes, alors que le vertige semblait moins fort, c'était comme si elle se laissait aller, je n'arrivais pas à la soulever, et tout d'un coup elle m'a demandé où je l'emmenai et s'est levée d'elle-même puis s'est couchée dans le lit.

Vendredi 28 mars 1997

Première fois : Mireille ne m'a pas reconnu, en me voyant elle m'a dit : " Roger, il est parti travailler ? ". Je lui ai dit que Roger c'était moi, elle m'a regardé et m'a dit : " Je ne te reconnais pas ! ". Je note une aggravation de sa mémoire depuis les derniers malaises du 9 mars 1997.

Samedi 5 avril 1997

Depuis ses malaises, Mireille est complètement déprimée, elle reste couchée dans son lit, mange très peu, pleure beaucoup. J'ai arrêté le VALIUM depuis trois jours, il n'y a pas d'amélioration au niveau des tâches ménagères. Je suis sûr qu'elle a besoin d'être entourée de monde, mais comment faire ? Elle est comme ça depuis 26 jours, ça cache quelque chose.

Samedi 15 avril 1997

Malaise à 9 heures du matin, moins fort que d'habitude mais toujours aussi préoccupant, j'appelle le Dr D....... Aucun diagnostic, il lui ordonne NOOTROPIL 800 pour ses états de "déprime"... Ce médicament est prévu pour les troubles de mémoires et pour les vertiges, cela n'a rien avoir pour soigner des états de "déprime" ! Elle a eu toute la journée des petits malaises.

Dimanche 16 avril 1997

Elle a eu des petits malaises ce matin, dans l'après-midi,. Elle a dormi et elle va mieux, à son réveil elle me dit qu'elle veut se faire soigner, elle s'inquiète parce qu'il y a quelques temps elle ne m'avait pas reconnu, je lui propose de suivre le traitement avec la TACRINE, elle semble d'accord pour aller à l’hôpital. Virginie a appelé et elle lui a dit qu'elle n'est pas en forme et qu'elle va se faire soigner.

Jeudi 17 et vendredi 18 avril 1997

A ce jour, pas de malaise mais un comportement inquiétant. Elle se rend compte que quelque chose ne va pas, elle ne reconnaît plus sa maison, les meubles de la salle à manger, ne sait plus où se trouve les WC, la porte pour sortir, ne reconnaît plus la voisine, ne sait plus où vit sa fille, Virginie, dans ses moments elle pleure beaucoup, elle se bat pour ne pas être comme ça.

Samedi 10 mai 1997

Depuis que Mireille prend du NOOTROPIL 800 ( 15 avril 1997), je note une amélioration dans son comportement.

Mercredi 18 juin 1997

Léger malaise ce matin vers 8 H 00, Ginette, une des sœurs de Mireille, appelle à 8 h 45 pour annoncer la mort de sa mère, en faite mamie est décédée mardi soir à 21 heures, ce matin là Mireille a peut-être eu un pressentiment.

Vendredi 20 juin 1997

Enterrement de mamie, Mireille ne reconnaît pas grand monde.

Samedi 11 octobre 1997

Deuxième fois : Il est 16 h 00, elle a dormi environ 2 heures, je suis assis dans le fauteuil, elle me regarde et me dit : " Roger n'est pas là ? ", devant ma surprise elle précise: " Mon mari Roger n'est pas là ? ".

Jeudi 15 octobre 1997

Malaises ce matin, le Dr D...... est venu et diagnostique une hypotension 10,6.

Dimanche 2 novembre 1997

A de plus en plus de difficultés à s'habiller toute seule.

Vendredi 12 décembre

Je suis resté à la clinique de 9 h 00 à 14 h 00 pour une fibroscopie, quand Stéphane est venu voir sa mère à midi elle lui a demandé où j'étais passé. Elle ne se rappelait plus que je devais subir une anesthésie générale.

Dimanche 14 décembre 1997

Gros malaise dans la cuisine à 9 h 30, elle était assise sur une chaise, je l'ai vu blanchir et j'ai juste eu le temps de la tenir avant que sa tête ne tombe sur la table, son malaise dure quelques secondes, ses couleurs reviennent et ensuite elle se débat en faisant des gestes dans tous les sens. Je l'ai portée dans le lit et elle a vomi. Déjà hier elle a eu de nombreux petits malaises.

Lundi 22 décembre 1997

Elle a déféqué dans le bidet de la salle de bain, je vais essayer de placer une affiche pour indiquer les WC.

Mercredi 24 décembre 1997

Ce matin malgré l'affiche sur les WC, elle hésite encore avec la salle de bain, une mauvaise odeur dans la salle de bain était du à un chiffon rempli d'excréments qui se trouvait dans la poubelle. Comportement à surveiller depuis qu'elle prend le médicament SYMPANEUROL, j'ai l'impression que son état s’aggrave.


1998

Jeudi 1er janvier 1998

Elle ne s'est pas rendu compte que c'était la nouvelle année, que se passera-t-il l'année prochaine ?

Vendredi 9 janvier 1998

Elle me demande si j'ai encore mes parents et si elle les connaît. Confond la salle à manger avec la chambre. Elle accroche sa prothèse sur son corsage, et n'arrive plus à s'habiller (ça dépend des jours ).

Vendredi 15 janvier 1998

Ne dormait toujours pas à 2 heures du matin. Des qu’un voisin fait du bruit, elle s’imagine qu’il y a quelqu’un dans la maison, je suis obligé de lui montrer que ses affaires sont au même endroit. Tous les soirs avant de se coucher, elle crache, tousse, déglutit fortement. Elle pense être partie il n'y a pas longtemps de Moussy ( sa ville natale dans la Marne ), et que ses affaires sont là-bas. Pour faire cuire le riz en sachet, elle le retire du sachet et le verse dans une casserole. J’en ai marre, je suis fatigué, j’aimerais pouvoir être seul quelque temps. Combien de temps, vais-je pouvoir tenir ?

Mercredi 21 janvier 1998

Elle a ses affaires, de plus en plus sales (culottes, pyjamas, chemises de nuit). Quand elle ne trouve pas quelque chose, elle dit : " Avant de venir ici, j’avais tout ! ". Elle pense que les affaires qu’elle ne trouve pas sont à Moussy.

Jeudi 22 janvier 1998

A 2 heures du matin, elle ne dort pas, se plaint d’avoir mal à la tête, je lui donne un EFFERALGAN. Mauvaise odeur dans la salle de bain : c’est encore un chiffon tout sale qui se trouve dans la poubelle. Ces culottes et pyjamas sont de plus en plus sales.

Dimanche 1 février 1998

Ne reconnais plus sa maison, je suis obligé de la prendre par le bras et de lui faire voir les pièces, elle est très triste et a peur, s’imagine que les gens entrent dans la maison. Aujourd’hui, j’ai bien cru qu’elle ne retrouvera pas sa mémoire. J’ai comme une mauvaise impression pour l’avenir très proche. Depuis 13 heures, j’ai très mal à l’estomac.

Mardi 17 mars 1998

Avant de se coucher, elle s’est lavée les pieds dans les toilettes des WC, elle a de plus en plus de difficulté à se retrouver dans l’appartement. Nous nous couchons à 23 h 00, elle ne dort toujours pas. A 00 h 30, se plaint d’avoir mal aux dents, je lui donne un EFFERALGAN.

Samedi 28 mars 1998

Stéphane et Lydia sont venus pour l'anniversaire de Mireille. L'après-midi, nous sommes allés avec Stéphane au cimetière et Mireille est restée avec Lydia. Après leur départ, Mireille m'a demandé qui était la fille avec Stéphane, elle me posera la même question le lendemain.

Jeudi 9 avril 1998

N’arrive plus à faire la vaisselle. Les nuits sont toujours aussi difficiles. Ne dors pas avant une ou deux heures du matin. Elle est très agitée le matin vers 4 heures, j’en ai de plus en plus marre. Quand elle parle des poissons dans l’aquarium, elle dit les oiseaux, et elle a peur qu’ils tombent par terre, elle ne voit pas ni les vitres, ni l’eau.

Vendredi 10 avril 1998

Nous sommes dans le lit, elle me dit : " Tu veux rester dans cette maison, on est isolé, c’est quoi ton nom de famille ? Tu as des sœurs et des frères ? Tu as toujours tes parents ? ".

Samedi 11 avril 1998

Elle se lève à huit heures, et me dit : " Qui a ouvert mon coffre à bijoux ? ", elle se met à pleurer et me dit qu’elle est malheureuse. Elle retourne se coucher. Se réveille à 10 h 00, elle va mieux.

Semaine du 18 avril au 25 avril 1998

La nuit du 25 au 26 sera terrible, à 4 heures du matin, elle ne dort toujours pas, et pourtant je lui ai donné du THERALENE (15 gouttes mais sans effet). Je suis trop fatigué. Je n’en peux plus, je voudrais dormir, dormir... Qui peut m’aider ? Je dois trouver une solution car sinon je vais faire une bêtise. Personne ne peut imaginer ma souffrance devant autant de folie car je ne peux rien faire.

Dimanche 3 mai 1998

Elle se demande où elle est, et demande à retourner dans sa maison. Elle dit qu’il fait froid ici, je n’arrive pas à la convaincre qu’elle est chez elle. Son caractère se modifie, elle devient de plus en plus agressive. Je suis vraiment seule.

Mercredi 6 mai 1998

Troisième fois : Malgré 25 gouttes de THERALENE, et 10 gouttes de NOZINAN, elle ne dort toujours pas, et il est 2 heures du matin. Chaque bruit la fait sursauter, et elle veut rentrer à la maison. Tout d’un coup, elle se lève et dit : " Je voudrais bien savoir ce qui se passe ici ! ", elle me regarde et me demande de voir quelqu’un de sa famille, cette fois-ci elle ne me reconnaît plus du tout, je lui parle de son mari, des enfants, du mariage, mais rien n’y fait. Je lui montre Chloé, elle me dit la connaître mais pas moi. J’ai peur, j’appelle Stéphane, il parle à sa mère, elle semble le reconnaître, elle est très calme. Elle se recouche, mais ne me reconnaît toujours pas. Et elle me demande pourquoi on lui a caché ses pertes de mémoires. Stéphane arrive de Poissy, il parle avec sa mère qui lui tient des propos incohérents, mais il la rassure, et on va se coucher. Le lendemain, elle se lève normalement, et ne se rappelle plus de rien.

Jeudi 7 mai 1998

J’ai vu le Dr D......, il me conseille de lui donner 10 gouttes de RIVOTRIL, il n’est pas sûr de la quantité ! Et 25 gouttes de THERALENE, effectivement dès la prise du RIVOTRIL, elle a des difficultés à parler et à tenir debout. Je la couche vers 22 heures, elle ne me fait pas de résistance, et après une heure, elle dort toujours, quel soulagement, je l’entends respirer très fort. Elle ronfle, mais elle a dormi toute la nuit, et c’est la première fois depuis longtemps.

Samedi 9 mai 1998

Avec ce médicament elle dort la nuit, et malheureusement la journée. Vers 17 heures, elle a voulu faire un promenade en pyjama, en arrivant dans la rue, elle s’est engagée sur la route, en me disant : " Nous allons au cimetière ! ". Après cette promenade, le retour fut très difficile elle ne reconnaît plus sa chambre. Et elle est partie avec ses affaires dans la chambre à Virginie. L’enfer a commencé. J’ai appelé Stéphane, et je suis tombé sur le répondeur, elle ne savait plus où elle était, elle tournait dans tous les sens, je ne pouvais même pas la déshabiller alors j’ai attendu, j’ai fait à manger, elle s’est calmée et je lui ai donné ses médicaments. C’est le seul moyen pour moi de respirer.

Dimanche 10 mai 1998

Vers 16 heures, elle veut sortir seule avec Chloé en pyjama, elle ne sait plus du tout où elle est. Je sors avec elle, j’ai honte. J’essaye de lui remettre correctement ses habits. Elle a déféqué dans la salle de bain. Elle a mis sur sa tête son bonnet plus une serviette, plus son corsage, je n’arrive pas à lui retirer. J’ai appelé Stéphane pour me réconforter. Heureusement qu’il est là mon gamin ! Chloé a mordue Mireille, je la réconforte et la soigne. Je lui fais à manger et en profite pour lui donner ses médicament. J’attends qu’une seule chose, c’est qu’elle dorme.

Lundi 11 mai 1998

Elle a dormi cette nuit, à 3 h 30, elle ronflait si fort que j’ai été obligé de dormir dans la chambre de Stéphane, je suis allé à Auchan ce matin. Au retour vers 10 h 45, Mireille était dans la cuisine, elle ne trouvait pas le café, mais elle semblait bien. Elle m’a montré son doigt que Chloé à mordu, elle ne se rappelait plus que c’était moi qui l’avait soigné. Après elle m’a demandé où était les WC, et l’enfer a commencé, elle va dans sa chambre, et commence à préparer des paquets pour partir chez elle. Je lui explique toujours aussi maladroitement, que sa maison est ici, elle s’énerve. Je m’énerve aussi. Elle me dit de me taire car les voisins vont entendre. Ce qui veut dire que quelque part dans son subconscient, elle connaît la maison. Ses paroles deviennent incohérentes. Enfin, elle se couche, il est 11 h 20. Au réveil, cela va recommencer. Lydia a appelé pour une aide à domicile, à ce moment là je culpabilise, mais quand je la vois comme ça, je voudrais qu’elle soit placée en maison.

Mardi 12 mai 1998

Aujourd’hui ça recommence, il est 11 h 30, elle prépare ses affaires pour partir, j’attends Stéphane et j’appelle le Dr L........, je dois prendre la décision de l’hospitaliser quelques jours. Après le départ de Stéphane, il est 15 h 30, elle est sur la loggia je lui donne deux pains au chocolat, tout semble aller, mais elle aperçoit la pelle rouge, elle me dit : " Je vais la laver et l’emmener chez moi ! ", elle prend la pelle dans la main en la levant et en chantant, elle ouvre la porte d’entrée pour s’en aller, j’ai beaucoup de mal à la retenir. Quatrième fois : Après avoir pris ses médicaments elle s’est endormie dans le fauteuil, au réveil elle me demande où se trouve Roger, elle ne me reconnaît pas, j’appelle Stéphane et Virginie, elle leur confirme qu’elle ne me connaît pas. J’arrive à la coucher, elle se lèvera deux fois.

Mercredi 13 mai 1998

Il est environ 11 h 30, elle prend des affaires à droite et à gauche et veut retourner chez elle, cette idée se transforme en hystérie : elle ouvre toutes les portes, la fenêtre et me dit qu’elle va sortir, elle jette par terre le linge qui se trouve sur la loggia, je ne peux plus la retenir, j’appelle d’urgence Stéphane qui arrive à 12 h 00, il arrive à la calmer un peu, elle lui dit qu’elle ne veut pas rester avec l’autre abruti. Nous appelons le Dr D...... pour lui demander de l’hospitaliser, il me demande de faire le nécessaire avec le Dr L........, sinon il peut la faire emmener à Créteil en psychiatrie mais il nous le déconseille. J’appelle la Pitié et je laisse un message sur le répondeur mais personne ne rappellera, nous sommes anéantis.

Jeudi 14  mai 1998

Après de nombreux appels au Dr L........ et à l’assistance sociale, et après que Lydia ai passé la journée au téléphone pour trouver une solution, nous avons retenu l'idée de laisser Mireille quelques jours dans une maison spécialisée située à Poissy : Eleusis. Il faut compter environ 495 francs par jour (75,46 €), je vais prendre rendez-vous pour le samedi 16 mai à 14 h 30 pour voir les lieux et discuter avec un psychologue.

Samedi 16 mai 1998

En arrivant dans cette maison, nous avons attendu la psychologue, un homme accompagné de son épouse s’est approché de moi et m’a tendu la main, il avait des difficultés pour parler. Et j’ai compris le nom de Jean-Louis L...., un ancien collègue de travail de Montrouge, il y a 10 ans de cela. Et je le retrouve avec la maladie d’Alzheimer, à l’endroit où nous pensons placer Mireille !

Jeudi 21 mai 1998

Nous avons emmené Mireille dans la maison de repos, c’est un déchirement de la laisser, elle a dit à Stéphane qu’elle n’oublierai jamais ce que nous avons fait, de l'avoir abandonner dans une maison de fous. Nous l’avons vu assise sur une chaise, serrant son vanity case dans ses mains. Elle semblait très malheureuse, Stéphane a été formidable, je suis fier de lui, il n’a rien à se rapprocher. A 17 h 00, j’ai téléphoné à Eleusis, et l’infirmière m’a dit que Mireille avait dansé avec un Monsieur. Si elle pouvait être heureuse dans ce nouveau monde, nous culpabiliserions moins.

Vendredi 22 mai 1998 au mardi 2 juin 1998

Quand elle me voit elle pleure, elle me demande de la ramener à la maison, je ne sais plus quoi faire, car si elle revient tout va recommencer, j’avais pensé à l’idée de l’amener quelques jours à Moussy. A ce jour, je ne sais pas quoi faire, comme dit mon gamin, nous sommes vraiment seuls...

Roger Taccola

 

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